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Interview de Victorin LUREL
Il y a quelques jours, nous avions adressé au Ministre des questions relatives à la situation socio-économique de Saint-Martin. Malheureusement nous n’avons pu aborder avec lui les derniers évènements qui ont perturbé notre collectivité et dont l’issue ne semble faire aucun doute. Disponible et attentif, Victorin Lurel apporte ses éclaircissements aux problématiques abordées par l’Echomag. Entretien :

Vous êtes, depuis 10 mois, le ministre de l’Outre-mer. A ce titre vous avez visité toutes les Collectivités et départements d’Outre-mer, excepté Saint-Barthélemy et Saint-Martin, dont vous avez été le député durant de nombreuses années. Quand pensez-vous venir dans les îles du Nord ?

Je me suis fixé comme objectif de me rendre dans les 12 territoires qui composent les outre-mer et ce dès la première année dans mes fonctions de ministre. A cette date, il me reste à me déplacer dans les Terres antarctiques et australes françaises (TAAF) et dans les Iles du nord, ce qui sera chose faite, je le pense dans les toutes prochaines semaines. Pour autant, s’agissant des Iles du nord, ce n’est pas comme si je ne connaissais pas ces territoires et leurs problématiques. J’ai été durant 10 années député des Iles du nord mais, surtout, depuis ma nomination, j’ai été particulièrement attentif à la situation de Saint-Martin, recevant plusieurs fois le président de la collectivité et les parlementaires et mettant en œuvre des décisions tout à fait concrètes.

Saint-Barthélemy et Saint-Martin ont mal vécu le fait de ne pas avoir bénéficié de leur propre circonscription législative lors du dernier découpage. Seriez-vous favorable à ce que ces deux Collectivités, que vous connaissez bien et aux spécificités antinomiques, aient chacune un député ?

Comme député, j’avais appuyé cette demande des élus des Iles du nord. Elle a été refusée par le gouvernement Fillon. Aujourd’hui, le nombre de députés pour la France entière est gravé dans le marbre de la Constitution, ce qui rend plus compliqué des modifications de cette nature. Mais, surtout, je pense qu’il y a d’autres urgences à traiter.

Au mois de septembre 2012 vous avez reçu à Paris le président Alain Richardson à qui vous avez fait consentir par le ministre Cahuzac un prêt de 18 millions d’euros. Au mois de décembre 2012 le président Richardson signait un protocole d’accompagnement avec Bertrand Boisselet de l’AFD, pour un prêt de 25 millions d’euros. 15 millions ont été versé fin 2012, 5 millions le seront courant 2013 et le restant en 2014. Malgré cette avance de 15 millions, les finances de la Collectivité sont à nouveau dans le rouge. Seriez-vous disposé à aider et à « cautionner » un prêt de 50 millions d’euros à la Collectivité pour qu’elle puisse financer les infrastructures dont elle a besoin ; réseau routier, assainissement, front de mer, établissements scolaires…

Je voudrais rappeler que l’action du gouvernement a consisté depuis mai 2012 à éviter à la collectivité de Saint-Martin une situation de quasi-faillite qui aurait été un vrai désastre pour l’île. L’Etat a pris ses responsabilités et, au-delà de cet accompagnement exceptionnel qui doit permettre à la collectivité de retrouver l’équilibre de ses comptes en 2016, le gouvernement a mobilisé d’importants moyens pour les outre-mer dont Saint-Martin bénéficiera. Grâce au Fonds exceptionnel d’investissement, doté de 50 millions d’euros, ce sont précisément des investissements structurants tels que ceux que vous citez, à fort impact sur la commande publique, sur l’activité et sur la vie quotidienne de la population, qui pourront être soutenus. De même, la remise à niveau de la ligne budgétaire unique permettra de financer des logements supplémentaires. Enfin, la défiscalisation reste en vigueur en 2013 pour financer le logement social et l’investissement productif avant que ne soit engagée la réforme que prépare le gouvernement pour 2014 en maintenant, conformément à l’engagement du président de la République, l’effort de l’Etat pour les outre-mer.

Pour ce qui est de la compensation des charges, l’Etat n’a toujours pas engagé de procédure concernant cette révision de dédommagement. Selon vous, quand l’Etat va honorer cette compensation ?

Il y a, sur ce sujet, un différend qui fait l’objet d’un contentieux. Nous sommes dans un Etat de droit et il est de la responsabilité de la puissance publique de respecter les décisions du juge.

Le député Daniel Gibbs considère que seul « le bras de fer avec l’Etat » peut permettre de faire avancer les choses. Prenez-vous cela comme une provocation ?

Je n’ai pas entendu cela. Ce n’est en tout cas ni l’esprit, ni les termes des échanges que j’ai avec Daniel Gibbs. Ma posture et, mieux encore, ma méthode, à l’image de celle de tout le gouvernement, c’est précisément de privilégier la concertation et le dialogue avec les élus et avec les forces vives. C’est de cette façon, et pas autrement, que nous avons déjà pu prendre de sages décisions pour Saint-Martin et c’est ainsi que nous ferons avancer positivement et durablement les choses.

La Collectivité a acquis un terrain pour installer le futur RSMA. A quel stade d’avancement se trouve le projet et quel crédit doit-on donner aux rumeurs d’abandon de ce projet au profit du développement de l’actuel RSMA en Guadeloupe ?

Il ne faut pas écouter les rumeurs. Ce projet d’installation du SMA à Saint-Martin reste d’actualité car il répond à de réels besoins. Nous souhaitons y parvenir avant la fin du quinquennat. Aujourd’hui, les jeunes de Saint-Martin sont accueillis au RSMA de la Guadeloupe. Ils étaient 42 entre 2011 et 2012 et ils sont une soixantaine entre 2012 et 2013. Cette montée en puissance correspond à la volonté qui est la mienne de renforcer les moyens du service militaire adapté pour favoriser outre-mer la formation, l’insertion et l’emploi des jeunes les plus en difficulté. Cette volonté s’est traduite très concrètement dans le budget de la mission outre-mer pour 2013.

Chaque année de nombreux Saint-martinois sont déscolarisés avec peu ou pas de diplôme. Le marché du travail à Saint-Martin ne peut en absorber qu’une part très réduite. Une partie de notre jeunesse souffre d’un gros manque d’encadrement et d’avenir. Quel peut être le rôle du ministre devant ce qui peut devenir demain notre plus grand souci de société ?

Mon rôle et celui du gouvernement est de proposer des solutions adaptées à la situation des outre-mer en général et de Saint-Martin en particulier, où sévit un chômage de masse touchant principalement les jeunes peu ou pas qualifiés. Il y aujourd’hui un arsenal de mesures mises en œuvre depuis mai 2012 : les contrats aidés dont le volume a été significativement augmenté, les emplois d’avenir qui ciblent précisément les jeunes les plus éloignés de l’emploi, ou encore les dispositifs de formation (apprentissage et alternance) qui doivent être mobilisés. En ce domaine comme dans d’autres, l’Etat doit jouer son rôle mais il ne peut pas agir seul. Chacun doit prendre ses responsabilités à nos côtés : collectivités, entreprises, associations. L’avenir de notre jeunesse est une grande cause qui doit tous nous mobiliser.

Quel jugement portez-vous sur la volonté des élus à promouvoir des filières comme la pêche et l’agriculture dans un environnement économique où les opérateurs du secteur touristique semblent souffrir du manque de soutien des élus ?

Je ne peux que me réjouir de voir les élus exprimer une telle volonté. En effet, au-delà de la problématique du redressement à court terme des finances de la collectivité, qui implique des efforts en matière de gestion optimale et rigoureuse des deniers publics, les responsables politiques et les dirigeants économiques de Saint-Martin, et bien sûr les Saint-Martinois eux-mêmes, doivent à mon sens engager ensemble une réflexion sur un modèle de développement adapté aux atouts et aux contraintes du territoires. Faut-il miser sur l’agriculture, sur la pêche ou l’aquaculture ? Quelle place pour le tourisme ? Ces questions ne peuvent pas être tranchées depuis Paris. Saint-Martin a fait démocratiquement un choix d’évolution statutaire et institutionnelle qui ne va pas sans une telle réflexion d’ensemble. Le gouvernement est prêt à la soutenir et à l’accompagner, d’autant plus que cela s’intègre pleinement dans nos réflexions actuelles sur des mesures fortes et des outils opérationnels ambitieux mettant l’accent sur les filières porteuses de chaque territoire, dont Saint-Martin.

Tag(s) : #lurel, #rsma, #filières, #gibbs
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